Les scientifiques ont cultivé sur Terre l’environnement entourant un trou noir, créant un disque de plasma rotatif en laboratoire. L’anneau de gaz surchauffé imite la matière en rotation autour du bord des trous noirs, formant ce qu’on appelle les “disques d’accrétion” qui nourrissent progressivement les trous noirs.
L’expérience menée par des chercheurs de l’Imperial College de Londres pourrait être très utile aux scientifiques. Tout d’abord, elle permettrait de répondre à la question de savoir comment les trous noirs grandissent en consommant la matière qui les entoure. Les résultats de cette expérience en laboratoire ont été publiés dans la revue Physical Review Letters (ref.).
Le disque d’accrétion
Les disques de plasma ont été immortalisés lorsque l’Event Horizon Telescope (EHT) a capturé la première image directe d’un trou noir. Dans l’image historique du trou noir supermassif au cœur de la galaxie Messier 87 (M87) et dans l’image du supermassif de la Voie lactée, Sagittarius A*, l’anneau de plasma entourant le trou noir central sombre est d’un orange éclatant.
L’anneau se forme lorsque la matière est attirée par un trou noir. L’immense influence gravitationnelle crée des conditions turbulentes et violentes, chauffant le gaz et arrachant les électrons des atomes. Cela transforme le gaz en plasma, un océan d’atomes sans électrons. Le plasma forme un disque d’accrétion maintenu en place par la poussée centrifuge de la rotation et la force gravitationnelle vers l’intérieur.
La stabilité, occasionnellement interrompue, entraîne la chute de matière du disque vers la surface du trou noir, et les scientifiques ne sont pas certains de la manière dont ces instabilités se produisent. Cela est important pour notre compréhension des trous noirs car ils ne peuvent pas croître sans accumulation de matière.
Le trou noir en laboratoire
Les scientifiques ont du mal à recréer un trou noir comme celui de M87, qui a une masse 4,5 milliards de fois celle du Soleil. Mais pour étudier les environnements de ces titans cosmiques, la seule possibilité que nous avons est de recréer en laboratoire le plasma qui les entoure.
Pour générer le trou noir en laboratoire, l’équipe a utilisé la machine Mega Ampere Generator for Plasma Implosion Experiments (MAGPIE) pour faire tourner le plasma et créer une réplique précise des disques d’accrétion. Cela a nécessité l’accélération de huit jets de plasma et leur collision pour créer une colonne rotative. Les scientifiques ont découvert que le plasma se déplaçait plus rapidement dans les régions internes de la colonne. On pense que cet aspect est une caractéristique fondamentale des disques d’accrétion.
Bien que cela permette une meilleure modélisation des disques d’accrétion, l’expérience n’est qu’une preuve de concept. Principalement parce que MAGPIE ne peut générer que de courts impulsions de plasma, limitant les observations de l’équipe à pas plus d’une rotation complète du disque. La répétition de l’expérience avec des impulsions de plasma plus longues devrait permettre à l’équipe de mieux caractériser les disques d’accrétion.

Le rôle des champs magnétiques
Un des mécanismes probables causant l’instabilité de ces disques de plasma sont les champs magnétiques. Ces derniers donnent lieu au frottement qui provoque une perte d’énergie dans la matière, se traduisant par une accrétion à la surface des trous noirs. Des impulsions de plasma plus longues en laboratoire permettraient également l’introduction de champs magnétiques dans le système, permettant aux chercheurs de tester ce mécanisme.
“Nous en sommes seulement aux prémices de la possibilité d’observer ces disques d’accrétion de manière totalement nouvelle, en incluant nos expériences et les images des trous noirs capturées par l’Event Horizon Telescope”, a déclaré Valenzuela-Villaseca. “Cela nous permettra de tester nos théories et de voir si elles correspondent aux observations astronomiques”.